La semaine dernière, on a construit un lanceur de fusée à eau. Cette semaine, on s'attaque au problème complémentaire: la fusée à eau. Et comme chez Yoctopuce on ne peut pas s'empêcher de mettre des modules USB un peu partout, on a fabriqué une fusée à eau USB...
Anatomie d'une fusée à eau
Généralement, une fusée à eau n'est rien d'autre qu'une bouteille de boisson gazeuse munie de quelques accessoires comme un embout de tuyau d'arrosage, des ailettes, un tube, et une ogive.
Anatomie d'une fusée à eau
Il est aussi préférable de prévoir un système de récupération, comme un parachute qui freinera sa retombée. Cela évite d'avoir à reconstruire une nouvelle fusée après chaque tir, et a l'avantage non négligeable de limiter le risque de blesser des passants.
Il existe plein de méthodes différentes pour construire une fusée à eau, voici quelques-unes des techniques qu'on a utilisées, beaucoup sont empruntées à l'aéro-modélisme où il faut construire léger et solide.
Le moteur
La pièce maîtresse d'une fusée à eau est le moteur, ça tombe bien, c'est le plus facile à fabriquer: il faut simplement prendre une bouteille d'eau gazeuse, lui coller un embout de tuyau d'arrosage et des ailettes.
Un moteur de fusée à eau
Les ailettes sont découpées dans du balsa et collées au pistolet à colle. On a renforcé la bouteille avec de la fibre de carbone, pour éviter qu'elle ne se déforme trop sous l'effet de la pression: on va gonfler à 10 bars.
Le tube
Le tube sert à prolonger le corps de la fusée, c'est indispensable pour la stabilité en vol. Si votre fusée est trop courte, elle aura une trajectoire complètement aléatoire. Vous trouvez sur Internet tout plein de formules pour calculer la stabilité d'une fusée, mais vous pouvez aussi vous fier à votre instinct: une fusée bien proportionnée a de bonnes chances de voler correctement.
L'idéal est d'utiliser un tube dont le diamètre interne est très légèrement supérieur au diamètre de la bouteille, afin de pouvoir coincer cette dernière dedans. Il faut aussi que ce tube soit à la fois léger et rigide. Trouver un tube qui réunisse ces caractéristiques n'est pas forcément évident, alors on en a fabriqué un nous-même en fibre de carbone. On vous épargne les détails, mais en gros cela consiste à enrouler du tissu de carbone enduit de résine autour d'un tuyau protégé d'une feuille de plastique. Une fois la résine solidifiée, on enlève le tuyau, et le tour est joué.
Un tube en fibre de carbone fait maison, 65x500mm, 45 grammes
L'ogive
L'ogive est essentielle pour l'aérodynamisme. En revanche, elle n'a besoin d'être très solide: à moins d'un crash, elle ne sera soumise à aucune contrainte mécanique. C'est une forme assez difficile à obtenir. On a réalisé les nôtres grâce à un moule perdu. Le moule est une feuille de plastique thermo-formée sur une forme fabriquée à l'imprimante 3D. L'intérieur du moule est tapissé d'un fin voile de Kevlar enduit de résine. Une fois la résine solidifiée, on "épluche" le moule et il reste une espèce de capuchon en forme d'ogive, très fin et très léger.
Fabrication d'une ogive avec une technique de moule perdu
Le parachute
On arrive à la partie vraiment difficile des fusées à eau: comment déployer le parachute de la fusée, de préférence lorsque que sa trajectoire atteint son apogée. Il existe une technique assez répandue qui consiste à utiliser des moteurs de jouets à ressort comme minuterie. On a choisi une approche plus technologique, basée sur deux caractéristiques des modules Yoctopuce:
- Les modules Yoctopuce n'ont pas besoin d'une vraie connexion USB pour fonctionner, il leur suffit d'être alimentés. Certains d'entre eux, comme le Yocto-Relay, n'ont même pas besoin d'être alimentés en 5V, ils peuvent se contenter d'un petit 3.3V.
- Les relais Yoctopuce disposent d'une fonction delayedPulse, qui les fait attendre pendant un temps donné, basculer pour une durée déterminée et finalement revenir à leur position de repos.
On a donc installé un compartiment dans le tube de la fusée, ce compartiment est fermé par une trappe. Une petite crémaillère permet de verrouiller et de déverrouiller cette trappe à loisir. La crémaillère est actionnée par un micro moteur électrique réducté, et ce moteur est piloté par un Yocto-Relay. Le Yocto-Relay contenant deux relais, il existe un câblage qui permet de faire tourner le moteur dans les deux sens.
Il suffit de deux relais pour faire tourner un moteur dans les deux sens
Pour que Yocto-Relay reste alimenté pendant le vol, on a ajouté trois minuscules accus ni-cd en parallèle sur l'alimentation du Yocto-Relay. C'est une technique peu orthodoxe, mais ça marche très bien parce que la fusée ne reste sous tension que très peu de temps.
Câblage complet de la fusée
Le Yocto-Relay, qui se trouve donc dans la fusée, est relié au YoctoHub-Wireless du lanceur par une petite prise qui tient à peine. Pendant la séquence de lancement, le YoctoHub-Wireless envoie une commande delayedPulse au Yocto-Relay puis libère la fusée. En décollant, la fusée tire sur la prise, ce qui la déconnecte du lanceur. Lorsque le délai du delayedPulse est écoulé, le Yocto-Relay actionne le moteur, ce qui déverrouille la trappe.
Fonctionnement de la trappe (vue en coupe)
Le système de parachute
On a relié la trappe au parachute. Ainsi, lorsque la trappe est déverrouillée en vol par le Yocto-Relay, le vent relatif l'arrache, et elle entraîne avec elle le parachute qui n'a pas d'autre choix que de s'ouvrir.
Une fusée à eau Yoctopuce, munie de son parachute. 80cm, 170g.
Contrôle du lancement
On a configuré le YoctoHub-Wireless dans le lanceur pour qu'il fonctionne en mode ad-hoc et génère son propre réseau wifi. L'application de contrôle est une web-app sauvée sur le file-system du YoctoHub-Wireless. Ainsi il suffit de se connecter sur le réseau wifi du lanceur avec un smart phone, de charger l'application de contrôle pour être prêt à lancer notre fusée.
Le lancement peut être contrôlé depuis n'importe quel smartphone capable de se connecter à un réseau ad-hoc.
Bien que très pratique, cette architecture souffre d'une grosse vulnérabilité: l'application de contrôle tourne sur un smart-phone relié au lanceur par une connexion wifi. Si on se contente d'allumer le compresseur et d'attendre gentiment que la pression soit suffisamment élevée pour l'éteindre, on court à la catastrophe. En effet si le smart-phone perd la connexion en pleine séquence de pressurisation, le compresseur va continuer à pomper jusqu'à ce que quelque chose casse. Pour éviter ça, le processus correct consiste à utiliser la fonction pulse du relais qui commande le compresseur pour lui demander environ une fois par seconde de basculer pendant 1.5 seconde et ce tant que la pression requise n'est pas atteinte. Ainsi, s'il y a une perte de connexion, le relais reviendra à sa position de repos au pire 1.5 seconde après la perte de connexion, et le compresseur s'arrêtera.
Bon, voilà, on a fait le tour de la question, il ne reste plus qu'à essayer:-)
5.4.3.2.1
We have a liftoff
Système de récupération déployé avec succès
Bien qu'étant un loisir généralement destiné aux enfants, les fusées à eau peuvent assez facilement devenir dangereuses dès qu'on cherche à les rendre performantes. L'énergie qu'elles contiennent peut les propulser à plusieurs dizaines de mètres de haut. C'est cool, mais cela signifie aussi qu'en cas de rupture d'un élément, cette même énergie peut projeter des débris vite et loin. Soyez prudents.