Vous connaissez probablement les fusées à eau, et savez peut-être qu'il est assez facile d'en construire soi-même avec des bouteilles de boisson gazeuse et des embouts de tuyaux d'arrosage. Ce genre de "jouet" peut être propulsé à des hauteurs assez ahurissantes, ce qui en fait un hobby plutôt fun. Eh bien figurez-vous que Yoctopuce s'est intéressé à la question...
Le principe
Comme les fusées classiques, les fusées à eau sont propulsées par réaction: le moteur n'est rien d'autre qu'une bouteille partiellement remplie d'eau puis mise sous pression. Lors du lancement, l'air comprimé chasse violemment l'eau de la bouteille et, par réaction, la fusée avance (vite) dans le sens opposé à l'eau.
Principe d'une fusée à eau
Les fusées à eau artisanales sont souvent basées sur ces embouts de tuyau d'arrosage qui se verrouillent automatiquement. La partie mâle est collée sur le goulot de la bouteille et la partie femelle, qui contient un système de verrouillage, est raccordée à un tuyau planté dans le sol lui-même raccordé à une pompe à vélo, c'est le lanceur.
L'embout de tuyau d'arrosage à verrouillage automatique: le secret de la technologie des fusées à eau
Pour lancer une fusée, on remplit partiellement la bouteille, on la fixe à la renverse sur le lanceur, on pompe comme un fou, puis on déclenche le déverrouillage de l'embout, et la fusée part. Simple comme bonjour.
Version Yoctopuce
Vous l'avez peut-être remarqué, chez Yoctopuce, on a une petite tendance à automatiser tout ce qu'on touche. Alors on a décidé de pousser le concept des fusées à eau un peu plus loin en fabriquant un lanceur de fusées à eau autonome. Ce lanceur devra assurer le remplissage, la mise sous pression et le lancement, pendant qu'on assistera au spectacle à distance prudente.
Pour faire ça, on va utiliser, en plus des incontournables embouts de tuyaux:
- des électro-vannes 24 V
- un mini-compresseur prévu pour gonfler des pneus
- un capteur de pression avec une interface 4-20mA
- un piston pneumatique
- un YoctoHub-Wireless
- un Yocto-MaxiCoupler
- un Yocto-4-20mA-Rx
La première idée est de séparer le circuit de remplissage d'eau du circuit de mise sous pression. Ceci afin d'éviter que l'eau ne puisse être refoulée dans le compresseur à la mise sous pression. Les compresseurs, tout comme les pompes à vélo, n'aiment pas trop être remplis d'eau.
Le circuit hydro-pneumatique du lanceur
La séparation air/eau dans la bouteille est assurée par un petit tube qui monte très haut dans la bouteille. L'air comprimé arrivera par ce tube, et on est assuré que l'eau ne pourra pas repartir par là.
Remplissage
On dispose d'une réserve d'eau dans un bidon. Pour effectuer le remplissage, on ouvre les vannes 1 et 4 et on injecte de l'air dans le bidon à l'aide du compresseur, ce qui va repousser l'eau jusque dans la fusée. Plus le niveau d'eau va monter dans la bouteille, plus la pression de l'air qui se trouve au dessus de l'eau va augmenter. Si on mesure cette pression, on peut en déduire le niveau d'eau et arrêter automatiquement la phase de remplissage.
La phase de remplissage
On a utilisé un simple bidon en plastique comme réserve d'eau, mais il a fallu le renforcer un peu, car il avait tendance à gonfler de manière alarmante pendant les phases de remplissage.
Mise sous pression
Une fois le remplissage terminé, on isole le circuit d'eau en fermant les vannes 1 et 4, puis on ouvre la vanne 3 et on continue de pomper jusqu'à ce que la pression dans la bouteille soit jugée suffisante. On arrête alors de pomper et on ferme la vanne 3. La fusée est prête au lancement.
La phase de pressurisation
Lancement
On aurait pu utiliser un servo-moteur de modélisme pour actionner l'embout de jardin, mais il aurait été aux premières loges pour se prendre une douche à chaque lancement. On a préféré utiliser un petit piston pneumatique relié à l'embout de jardin. Pour lancer la fusée, on actionne la vanne 2, ce qui déclenche le piston et libère la fusée
La phase de lancement
L'air qui actionne le piston est prélevé dans la bouteille, mais comme il s'agit d'une quantité négligeable, ce n'est pas un problème.
Réalisation
L'idée était de fabriquer un lanceur compact que l'on puisse transporter facilement et que l'on puisse contrôler à distance depuis un smartphone.
On a donc conçu une structure en forme de X sur laquelle viennent se visser tous les éléments. Ainsi toutes les parties du lanceur sont facilement accessibles.
Le squelette du lanceur
La partie hydro-pneumatique est réalisée avec du tuyau à air comprimé en polyuréthane de 4mm et on a utilisé des raccords instantanés partout où c'était possible.
Tubes en polyuréthane et embouts rapides
Le tube de lancement
Le tube de lancement est la partie la plus délicate à fabriquer, il faut commencer par trouver un tuyau adapté. Il s'agit en fait d'un raccord sur lequel on doit pouvoir adapter à la fois l'embout de tuyau de d'arrosage et les raccords rapides quitte à utiliser une multitude d'adaptateurs. A l'intérieur du gros tuyau, il y a plusieurs petits tuyaux reliant les différentes sorties, le tout est noyé dans de la résine époxy. Le tube capillaire et les embouts rapides sont vissés sur des inserts filetés eux aussi noyés dans la résine.
Le tube de lancement et sa structure interne
Partout où c'était possible, les éléments de tuyauterie ont été collés ensemble à la colle époxy. Ainsi pas besoin de joint et pas de fuites. :-) Vous trouverez plus de détails sur la construction de ce tube ici.
Le compresseur
Le compresseur est un compresseur 12V fonctionnant sur allume-cigare, acheté 20 francs au magasin du coin de la rue. On l'a débarrassé de son habillage en plastique, et on l'a vissé sur un support.
Le compresseur
Il est contrôlé par un gros relais 24V qui lui-même est contrôlé par une des sorties du Yocto-MaxiCoupler. Le compresseur demande trop de puissance pour être piloté directement par le Yocto MaxiCoupler. On a mis une grosse diode TVS de chaque côté du relais 24V: une pour protéger le relais des surtensions induites par le bobinage du compresseur et la seconde pour protéger le Yocto-MaxiCoupler des surtensions induites par le bobinage du relais.
Les vannes
Ce sont des électro-vannes 24V, elles ne consomment que 100mA, on a pu les piloter directement avec le Yocto-MaxiCoupler.
Les électro-vannes
La mesure de pression
La pression du circuit d'air est mesurée à l'aide d'un capteur de pression 4-20mA raccordé à un Yocto-4-20mA-Rx.
Le capteur de pression 4-20mA
Le déclencheur
Le déclenchement est basé sur un petit piston pneumatique qui actionne une crémaillère qui actionne à son tour une roue dentée fixée à l'embout de tuyau. La crémaillère et la roue dentée ont été fabriquées à l'aide d'une imprimante 3D.
Le déclencheur
Le contrôle
Le Yocto-4-20mA-Rx et le Yocto-MaxiCoupler sont contrôlés par un YoctoHub-Wireless. L'idée étant de configurer le YoctoHub-Wireless en mode ad-hoc. Ainsi le lanceur générera son propre réseau WiFi et pourra être utilisé sans problème au beau milieu de nulle part.
Le câblage des modules Yoctopuce dans le lanceur
Les premiers tests ont montré qu'il fallait légèrement éloigner l'antenne du YoctoHub-Wireless à cause du compresseur. Lorsqu'il tourne, il y a à proximité du moteur suffisamment de parasites pour empêcher toute communication radio. On l'a donc perchée sur un petit mat fixé au côté du lanceur.
La partie électronique. Le YoctoHub-Wireless est un modèle de pré-série, d'où la couleur verte
L'alimentation
L'alimentation est un problème délicat. Dans l'installation nous avons:
- Des modules Yoctopuce qui fonctionnent en 5 volts
- Des vannes qui fonctionnent en 24 volts
- Un compresseur qui fonctionne en 12 volts
Pour alimenter tout ça, on a choisi d'utiliser une de ces batteries portables qui servent à faire redémarrer votre voiture quand sa propre batterie est à plat. Cet engin, conçu pour être transporté facilement, fournit du 12V et dispose même d'une prise allume-cigare.
Une alimentation 12V puissante et facilement transportable
On a donc dû utiliser deux convertisseurs, un 12V vers 5V pour les modules Yoctopuce et un 12V vers 24V pour les vannes et le relais de contrôle du compresseur.
La partie alimentation
Bonus
Comme il restait des sorties libres sur le Yocto-MaxiCoupler, on en a utilisé deux pour contrôler des appareils photos et photographier les décollages. On avait déjà utilisé cette méthode dans un post précédent.
Résultat
On ne va pas se voiler la face: bien que compact, le lanceur ressemble à une usine à gaz, mais il a malgré tout de l'allure. Tous les papas ont tendance à être fiers de leurs rejetons :-)
Le lanceur complet
Les premiers essais avec une simple bouteille de boisson gazeuse sont assez prometteurs.
Plutôt efficace...
Bon, le lanceur, c'est fait. La semaine prochaine on s'occupe de la fusée...