Est-ce que l'air que vous respirez est propre ? Que contient-il exactement ? Pas facile d'obtenir une réponse complète avec un simple capteur, puisqu'il faudrait en réalité chercher un à un tous les composés volatiles qui pourraient s'y trouver. Il existe néanmoins des capteurs de gaz individuels qui apportent, pour des applications précises, de bonnes réponses. Voyons comment les utiliser avec des modules Yoctopuce.
Commençons par un petit tour d'horizon des différents types de capteurs de gaz, de leurs avantages et inconvénients.
Les capteurs électro-catalytiques
Ces petits capteurs de la taille d'un dé à coudre semblent à première vue très intéressants: pas gros, pas chers. C'est le genre de capteurs bons marchés que vous trouvez sur les sites comme SparkFun et SeeedStudio. Ils fonctionnent en mesurant la chaleur émise par la combustion du gaz recherché au contact d'un métal particulier, chauffé. C'est utilisable pour détecter des variations de quantité de gaz, mais il est difficile d'obtenir véritable mesure: la variation de résistance en fonction de la concentration de gaz n'est ni linéaire, ni même stable dans le temps. Il est donc indispensable d'effectuer de fréquentes calibration de ces capteurs à l'aide d'échantillons de gaz témoins, sinon la mesure que vous obtiendrez n'aura qu'une valeur humoristique. Ces capteurs peuvent même perdre toute sensibilité si il sont "empoisonnés" par certaines substances volatiles dans l'air. Bref, c'est très loin de notre définition d'une mesure plug-and-play. On oublie les capteurs électro-catalytiques.
Un capteur électro-catalytique, qui vaut que ce qu'il vaut...
Les capteurs à semi-conducteur (MEMS)
Les capteurs à semi-conducteurs fonctionnent sur un principe un peu similaire aux précédents: on chauffe un substrat métal-oxyde-semi-conducteur, et on mesure la variation de résistance qui se produit au contact de certains gaz. Contrairement aux capteurs électro-catalytiques, ce processus est relativement stable dans le temps. Son principal défaut est qu'il est très peu sélectif: de nombreux composés volatiles organiques vont le faire réagir, sans que l'on puisse les différencier. Ces capteurs sont donc plus appropriés pour une estimation générale de la quantité de polluants volatiles dans l'air, telle que fournie par notre Yocto-VOC, que pour une mesure analytique.
Le capteur à semiconducteur du Yocto-VOC
Les capteurs à infra-rouge (PIR)
Les détecteurs à infra-rouge utilisent le principe d'absorption sélective de la lumière propre à certains gaz. En mesurant la quantité de lumière absorbée pour une longueur d'onde déterminée, on peut déterminer de manière absolue la concentration de certains gaz. C'est une méthode fiable et stable dans le temps. Notre Yocto-CO2 fonctionne selon ce principe. Malheureusement, on ne trouve de petits capteurs à infra-rouge que pour très peu de gaz.
Le capteur à infra-rouge du Yocto-CO2
Les capteurs électrochimiques
En simplifiant, ces capteurs fonctionnent un peu comme des piles électriques dont la composition chimique inclurait le gaz recherché. Lorsque le gaz est absent, le potentiel est nul. En présence du gaz, une réaction chimique se déclenche et crée un potentiel électrique en lien direct avec la concentration du gaz recherché. En choisissant soigneusement la composition chimique du réactif présent dans le capteur, les fabricants obtiennent des capteurs qui réagissent très spécifiquement à chaque gaz, et fournissent une mesure absolue, très stable dans le temps. Bien sûr, comme toute pile électrochimique, ces capteurs ont une durée de vie déterminée, après laquelle les électrolytes seront usés: en général deux ans, selon les conseils du fabricant (la durée de vie effective est souvent meilleure, mais le principe de précaution prévaut). Par rapport un capteur électro-catalytique qu'il faut régulièrement recalibrer avec des échantillons de gaz, c'est un bien moindre mal...
Un capteur électrochimique et son transmetteur 4-20mA
En pratique...
Alors, où trouver ces capteurs électrochimiques, et comment les brancher ? Pas si simple. Comme il s'agit de matériel assez spécialisé dont la durée de vie est limitée, les capteurs eux-mêmes ne sont pas vendus par les fournisseurs classiques de composants électroniques. Quand aux fabricants de capteurs de gaz eux-mêmes, ils concentrent leur intérêt sur les gros clients industriels plutôt que sur les petits clients ayant des besoins ponctuels. Après pas mal de recherches, nous avons finalement trouvé un fournisseur offrant une large gamme de capteurs électrochimiques qu'il était possible d'acheter en petite quantité.
Le fabricant: City Technology. Cette société commercialise aussi les capteurs vendus précédemment sous la marque SensoriC avant son acquisition par City Technology. Elle offre un grand choix de capteurs électrochimiques, dont la réponse à des gaz spécifiques est très précisément documentée. Si l'on prend le capteur brut, il y a une difficulté du fait que l'alimentation du capteur, l'amplitude du signal et la manière de le mesurer change d'un capteur à l'autre. Mais tous les capteurs peuvent être achetés équipé d'un petit circuit électronique qui fournit une interface au format standard 4-20mA, où une simple paire de fils règle tous les problèmes d'un coup, y compris l'alimentation électrique.
Les composants gazeux les plus intéressants à surveiller dans l'air urbain sont le dioxyde d'azote (NO2), le monoxyde de carbone (CO) et l'ozone (O3). Nous avons donc testé les capteurs suivants:
- Capteur d'ozone (O3), gaz toxique produit en intérieur par les arcs électriques dans les photocopieurs et imprimantes lasers, susceptible de se trouver un concentration significative dans les locaux mal ventilés, et en extérieur par l'action des rayons UV sur le dioxyde d'azote; Modèle O3 3E1 MINI, 0-1ppm.
- Capteur de monoxyde de carbone (CO) pour la détection de pollution liée à la combustion. Modèle ECO-SURE (2E), 0-300ppm, avec adaptateur 4-20mA de Euro-Gas. Ce capteur a une durée de vie de 10 ans.
- Capteur de dioxyde d'azote (NO2), polluant majeur des milieu urbains émis par les moteurs à combustion. Modèle T3NDH, 0-5ppm.
Photo de famille: capteurs d'ozone, de monoxyde de carbone et de dioxyde d'azote
De plus, nous avons testé un capteur de dichlore (CL2), gaz toxique pouvant se dégager des installations de désinfection d'eau ou de la découpe de certains plastiques chlorés au laser (modèle T3CLH, 0-5ppm).
Ces capteurs ont tous été achetés chez Euro-Gas Management Services, qui a accepté sans complication de nous les vendre à la pièce (contrairement à beaucoup d'autres).
Les capteurs n'ont pas tous le même format, mais tous se branchent de la même manière au Yocto-4-20mA-Rx, avec simplement deux fils: l'un connecté à l'alimentation 23V, l'autre connecté à l'entrée de la boucle de courant. La troisième borne (terre) ne doit pas être connectée. La documentation des capteurs ECO-SURE et O3 précise que la polarité n'est pas importante (le capteur inclut un redresseur); pour les capteurs de la série T3, nous branchons le fil rouge sur le 23V et le noir sur l'entrée de la boucle de courant.
Connexion des différents capteurs au Yocto-4-20mA-RX, un seul est polarisé
Le prix
Le prix des capteurs dépend du type et de la quantité, mais comptez environ 250 GBP par capteur compatible 4-20mA, mis à part le capteur de monoxyde de carbone ECO-SURE qui coûte environ 120 GBP en version 4-20mA.
Le Yocto-4-20mA-Rx disposant de deux entrées, il suffit de deux modules pour brancher nos quatre capteurs. Combiné à un YoctoHub-Wireless postant ses données sur Xively, on obtient une station autonome de mesure des gaz polluants de l'air de qualité professionnelle, pour un prix très largement inférieur aux solutions utilisées dans les stations de mesure officielles. C'est d'ailleurs ce qui pousse les agences gouvernementales à étudier et encourager ce genre d'initiatives privées permettant de mieux caractériser la pollution atmosphérique.
Une boite, des senseurs de gaz, quelques modules yoctopuce
et on obtient une station WiFi de mesure de qualité de l'air